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Hugues
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Message par Hugues »

Salut,

J'ai vu de la lumière, je suis entré !

Je m'intéresse à l'automobile depuis quelques mois déjà, avec une certaine prédilection pour le rallye.
S'agissant des Opel, j'ai quelques Manta.

A part les autos, il y a l'alcool, les femmes, euuuh, la poésie Finlandaise, la nature, le BMX, l'histoire.

La photo également.

Voili voilou !

A bientôt.

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mantakumi
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Message par mantakumi »

Image
bienvenu "QUELQUES " Manta ça fait combien?
et c'est quoi la poesie finlandaise ? Image
Mantakumi Le "freine tard..."

IL VAUT MIEUX MOBILISER SON INTELLIGENCE SUR DES CONNERIES QUE MOBILISER SA CONNERIE SUR DES CHOSES INTELLIGENTES.



<span style='font-size:14pt;line-height:100%'>MES VIDEOS </span> <a href='http://www.youtube.com/user/mantadrift3 ... sults_main' target='_blank'>http://www.youtube.com/user/mantadrift3 ... ts_main</a>
Eric M
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Message par Eric M »

Bienvenue à toi Hugues...très heureux de te retrouver Image
<a href='http://www.franco-blitz.net/forums2/vie ... hp?t=14790' target='_blank'><span style='font-size:12pt;line-height:100%'><span style='color:blue'>==>Je vends</span></span></a>

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Jay
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Message par Jay »

Salut Hugues,

Très heureux également de te retrouver Image

A+
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Alro14
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Message par Alro14 »

Hugues a écrit :jeu. 01 janv., 1970 00:00
La photo également.

Voili voilou !

A bientôt.

C'est pour ça qu'il n'y en a pas une seul dans ta présentation Image
Je sais tu te réserve pour les Toppics appropriés.......
Salut Hugues Image
MANTA 400/i3000/BATMANTAMOBILE en cour....
<a href='http://www.servimg.com/image_preview.ph ... u=11540716' target='_blank'><img src='http://i74.servimg.com/u/f74/11/54/07/16/img_0918.jpg' border='0' alt='user posted image' /></a><a href='http://www.servimg.com/image_preview.ph ... u=11540716' target='_blank'><img src='http://i64.servimg.com/u/f64/11/54/07/16/img_0311.jpg' border='0' alt='user posted image' /></a><a href='http://www.servimg.com/image_preview.ph ... u=11540716' target='_blank'><img src='http://i44.servimg.com/u/f44/11/54/07/16/_mg_0513.jpg' border='0' alt='user posted image' /></a>
alro14@hotmail.fr
Helene M
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Message par Helene M »


salut Hugues
Contente de te retrouver
A bientôt
Hélène M.
Hélène M
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Duddits
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Message par Duddits »

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"A quoi bon prendre la vie au sérieux, puisque de toute façon nous n'en sortirons pas vivants"(Alphonse ALLAIS)
opelyourmouth!
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Message par opelyourmouth! »

Pour répondre à cette légitime question, je dirait sans trop réfléchir et sans avoir rien préparé que il y a, en Finlande, deux littératures et deux poésies : l'une issue du sein du pays même, comme la source profonde qui jaillit du milieu des roches de granit, l'autre apprise dans les écoles et enseignée par une voix étrangère; l'une qui enlace dans ses larges et forts rameaux les croyances traditionnelles, les mythes religieux, les mœurs anciennes de la nation, l'autre qui est comme le reflet d'une nouvelle histoire et d'une nouvelle civilisation; l'une enfin qui est l'expression énergique, naïve, spontanée, du peuple même, l'autre qu'il accepte comme une parure. La première s'appelle poésie finlandaise, la seconde poésie suédoise. Celle-là remonte jusqu'aux temps les plus reculés, et s'est perpétuée par le récit oral dans la cabane du bûcheron, dans le pœrte du paysan; celle-ci a été importée par les beaux esprits, propagée par les livres, et s'adresse surtout aux gens lettrés. Nous essaierons premièrement de parler de la poésie finlandaise, et nous devons dire d'abord quelques mots de la mythologie, qui en est un des élémens essentiels.

Les divers symboles de cette mythologie sont très obscurs et très compliqués. La plupart n'ont entre eux aucune liaison apparente, et il est difficile de les réunir assez étroitement pour en faire un ensemble homogène. Ils ont été, pendant des siècles, méconnus, ignorés par ceux qui auraient pu les recueillir et leur donner quelque fixité (1). La tradition seule les a transmis d'une génération à l'autre, et l'on conçoit sans peine que cette tradition, venue des contrées de l'Orient, implantée dans les contrées méridionales de la Scandinavie, puis refoulée vers le nord, puis attaquée et proscrite par le christianisme, et ne se conservant que dans des habitations éloignées l'une de l'autre, ait été altérée, disloquée par le temps, par les circonstances, par l'isolement.

Toute cette mythologie, qui a été celle de plusieurs autres peuplades provenant de la même souche, émigrant par la même route, celle des Lapons notamment et des Hongrois peut-être, ressemble maintenant à une médaille effacée en plusieurs endroits, brisée en plusieurs morceaux, ou, si l'on aime mieux, aux membres d'Osiris séparés l'un de l'autre, répandus dans les champs, dans les sables du désert et le long des fleuves. L'idée la plus saisissable qu'elle exprime est le culte de la nature, tel qu'il existe chez les peuples primitifs, l'adoration panthéistique des élémens, le principe de fécondité et, de reproduction.

Le dieu suprême des anciens Finlandais est Jumala, le maître des nuages et du tonnerre: d'autres disent Waeinemoeinen, le dieu des vers et de l'harmonie. Kawa le géant, après avoir dormi trente ans dans les entrailles de sa mère déchire lui-même le sein qui l'a porté, et en sort le casque en tête et la cuirasse sur la poitrine. Il enfante des filles qui portent des montagnes dans un des plis de leur robe, et douze fils qui étonnent le monde par leur force. L'un de ces fils est Waeinemoeinen, un autre Ilmarinen, le roi des vents, du feu, de l'eau, le forgeron par excellence. Au-dessous de ces divinités premières sont les dieux qui régissent une des parties de l'univers. Tuopio est le maître des bois, Akti des lacs, Tuoni de la mort. Kauna règne sur les tombeaux. Sarakka préside aux enfantemens. Plusieurs nymphes dirigent le cours des étoiles, d'autres celui des vents, d'autres celui de la lune. Une quantité d’esprits bienveillans ou mauvais habitent les montagnes, les vallées, les fleuves. Le ciel est représenté comme une immense demeure partagée en neuf régions, couverte de neuf toits, sous lesquels repose le dieu suprême. Le soleil est la tête du dieu, qui apparaît au-dessus de ces toits dorés. Le soir, il se retire de sa lucarne, et de là vient l'obscurité.

Trois puissantes jeunes filles représentent les forces de la nature; l'une d’elles fait jaillir de son sein un lait noir, la seconde un lait blanc, la troisième un lait rouge. Le lait de la première était le fer brut, celui de la seconde le fer en barre, celui de la troisième l'acier. Un bœuf est né dans la Carélie.

« Ce n'était pas, disent les anciens poèmes, l'un des plus grands ni l'un des plus petits. Cependant sa tête touchait aux habitations de Tavaste, et sa queue à celles de Tornéo. Il fallait tout un jour à l'hirondelle pour voler d'une de ses extrémités à l'autre, et tout un mois à l'écureuil pour parcourir la distance qui séparait ses deux cornes. Du sein des vagues sortit un petit homme, haut de trois pouces tout au plus, qui s'élança sur la tête du bœuf et le tua. On en retira six tonnes de graisse et des flots de sang qui remplirent sept bateaux.»

Waeinemoeinen s'en va sur sa barque à la recherche du feu, avec un filet de chanvre. Il trouve un poisson et ne peut le saisir. Un petit homme noir, portant des souliers de pierre, un casque de roc, des cheveux qui lui tombent sur les talons et une barbe épaisse, surgit du milieu des vagues, s'empare du poisson, trouve dans ses entrailles un saumon, dans le saumon un brochet, dans le brochet un hareng, dans le hareng un peloton rouge, dans le peloton le feu.

L'orage est représenté sous la forme d'un aigle au bec enflammé, aux yeux étincelans, qui, d'une de ses ailes, couvre la surface d'un lac, et de l'autre voile l'azur du ciel. La guérison des maladies vient d'un petit oiseau, le plus léger, le plus faible de tous les oiseaux, qui s'en va au-delà des mers chercher la boisson qui réconforte les sens et le baume qui ferme les blessures. On l'appelle Méhilaeinen. C'est le symbole le plus gracieux de toute cette rude et sauvage mythologie. Il y a aussi un grand sentiment de poésie et une mélancolie touchante dans les différens mythes de Waeinemoeinen. C'est lui qui a révélé aux hommes l'harmonie du rhythme et du chant. C'est lui qui leur a donné la harpe comme un instrument de joie et de consolation, pour célébrer leur amour et calmer leur douleur. C'est lui qui a créé le monde et qui le soutient. Nous verrons, dans l'analyse du Kalewala, les diverses facultés et les évènemens que la croyance populaire lui attribuait.

Long-temps les chants traditionnels, les chants cosmogoniques et théogoniques de la race finlandaise restèrent enfouis dans la demeure du paysan. Le vieillard les disait le soir à sa famille assemblée autour du poêle le pêcheur les modulait en voguant le long des fleuves. Les gens lettrés, qui seuls auraient pu les recueillir et en assurer, par l'imprimerie, la fixité, les gens lettrés les dédaignaient. Leurs regards, fascinés par le prestige des beautés antiques, ne distinguaient plus les humbles fleurs de la montagne et de la bruyère; leur oreille n'entendait que l'harmonie de l'iambe grec ou de l'hexamètre latin. Il a fallu que le génie national s'égarât comme un voyageur à travers les différens points de vue des contrées étrangères avant de revenir aux trésors amassés, comme ceux de Sigfried, dans les forêts de sa terre natale. Il a fallu qu'il fît, comme un étudiant aventureux, le tour de toutes les écoles avant de rentrer dans la grande et sainte école où le rappelait la voix de ses pères, où la harpe des temps anciens vibrait, comme celle d'Ossian, dans les nuages du passé, où la muse du peuple chantait son hymne solennel auprès de son berceau.

Lorsque Gannander écrivit son dictionnaire mythologique, il ne connaissait encore qu'une partie des récits populaires qui servaient de base à son système, et Portan lui-même, cet homme si dévoué à l'étude de la langue, de la littérature, de la poésie finlandaise, n'avait fait qu'entr'ouvrir l'écorce de l'arbre où il cherchait un suc vivifiant. Cependant, vers la fin du XVIIIe siècle, grace à l'intelligence, aux efforts de ces deux philologues, l'impulsion était donnée, la route était ouverte, la Finlande commençait à s'observer elle-même, et les anciens dieux de la nation, dépouillés de leur auréole, bannis de leur trône, proscrits comme des barbares par les scolastiques adorateurs des dieux d'Homère et de Virgile, reprenaient peu à peu quelques attributs de leur puissance première, et frappaient à la porte des académies.

Herder, en cherchant de côté et d'autre les productions naïves réunies dans ses Volkslieder, cueillit d'une main habile quelques fleurs finlandaises. Schröder publia, sous le titre de Finnische runen (Runes finlandaises (2), le texte original et la traduction de quelques traditions mystiques, de quelques chants modernes de la Finlande. Rühs écrivit une histoire de cette contrée, et traça un tableau caractéristique de sa mythologie et de sa poésie. Quand les étrangers donnaient eux-mêmes l'exemple, les hommes du pays ne pouvaient manquer de se mettre à l'œuvre. Ils s'y sont mis avec ardeur; ils sont descendus dans l'intérieur des mines si long-temps abandonnées, et en ont tiré des trésors.

Une quantité de dissertations, d'analyses publiées dans les dernières années, jettent un nouveau jour sur les questions à demi dévoilées par les écrivains finlandais du XVIIIe siècle. Je citerai entre autres celles de MM. Gottlund (3), Sioegren (4), Arwidsson (5), Colan (6), et de plusieurs rédacteurs du Suonsi (7). M. Topelius s'est acquis un mérite plus grand encore en publiant un recueil de chants finlandais anciens et modernes, et en signalant les habitations lointaines où il les avait rassemblés. Après lui est venu le docteur Loenrot, qui, profitant des indications de son devancier, s'est mis à la recherche de ces poésies du peuple, de ces traditions orales qui, peu à peu déjà, se disjoignaient, s'altéraient, s'en allaient de côté et d'autre à l'abandon, qui pouvaient se perdre à tout jamais, si l'on ne se hâtait de les reprendre et de les réunir par un même lien. Pendant des années entières, M. Loenrot a erré à travers les cabanes les plus obscures, les districts les plus reculés de la tribu finlandaise, s'asseyant au foyer du paysan et du pêcheur, interrogeant le vieillard et l'enfant, écoutant d'une oreille attentive leurs récits, leurs souvenirs parfois incertains et confus, et recueillant d'une main tremblante d'émotion et de joie tous les épis de son heureuse moisson. Après tant de longs voyages, tant d'efforts intelligens et continus, il a enfin atteint son but. Il a trouvé les aèdes, et est devenu l'Homère de sa nation. Il a rassemblé et mis en ordre d'une part tous les chants anciens, de l'autre tous les chants modernes, et il en a composé deux cycles poétiques, l'un qui représente les idées cosmogoniques d'un paganisme primitif, l'autre les naïves émotions, les rêves mélancoliques, le caractère et la vie du peuple finlandais. Le premier a pour titre Kalewata (8), le second Kanteletar (9).

Le Kalewala est l'épopée nationale de la Finlande, une épopée d'une forme étrange, d'un caractère sans exemple jusqu'à présent. Ce n'est ni le majestueux et imposant tableau d'Homère, ni la savante composition de Virgile, ni la longue et aventureuse peinture de Ferdussi, ni le chant féerique de l'Arioste, ni la chevaleresque et mystique rêverie de Wolfram d'Eschenbach, ni le drame terrible des Niebelungen. C'est un singulier mélange de conceptions religieuses et de faits historiques, de réalité et de sorcellerie, de détails vulgaires et d'images idéales. On y voit des dieux qui créent le monde et qui tombent sous le dard acéré d'une flèche comme de simples hommes, des géants qui peuvent ébranler les montagnes et qui traînent péniblement leurs bateaux le long des fleuves, une jeune fille dont le regard trouble les maîtres de la terre, une femme qui par sa magie domine les élémens. C'est un recueil de ballades naïves et enthousiastes, qui tour à tour s'abaissent jusqu'aux particularités journalières de la vie domestique, et remontent jusqu'aux plus hautes régions de la poésie; qui tour à tour représentent par leurs personnifications allégoriques les guerres des diverses tribus finlandaises, le combat des dieux et des mauvais esprits, la lutte de la lumière et de l'obscurité, cette lutte éternelle que les hommes du Nord doivent si bien comprendre.

Toutes ces ballades ont été composées à diverses époques, dans divers lieux, et confondent souvent dans leur allure sans entraves les idées les plus contradictoires et les temps les plus opposés. La Vierge Marie vogue sur le même fleuve que le dieu Waeinemoeinen, et la sorcière de Pohiola parle à sa fille comme une femme chrétienne. En prenant l'une après l'autre les pages de ce poème, on dirait un canevas d'une longue tapisserie revêtue de toutes sortes de couleurs, décousue, abandonnée en certains endroits, puis reprise par un ouvrier plus laborieux que fidèle, qui ne s'est point soucié de suivre un plan uniforme, qui a jeté çà et là, selon son caprice, des nuages et des rayons de soleil, des physionomies nouvelles et des incidens inattendus; et si imparfait qu'il soit dans ses détails, si incohérent qu'il apparaisse dans son ensemble, ce canevas a je ne sais quel charme indéfinissable qui attire et subjugue l'attention. Quand une fois on en a vu les premières arabesques, il est impossible de l'abandonner sans l'avoir déroulé, contemplé dans toute son étendue.

Une analyse succincte de ce poème en fera mieux comprendre le caractère que tout ce que nous pourrions en dire.

Au premier chant, apparaît le dieu Waeinemoeinen, qui a passé trente étés et trente hivers dans le sein de sa mère, qui a vainement invoqué dans l'obscurité de sa demeure la lumière de la lune, du soleil et des étoiles. Las enfin d'être ainsi captif, il brise lui-même sa prison au milieu de la nuit, court sur le rivage, se fabrique un cheval léger, comme un brin de paille, » et s'en va vers la mer. Un Lapon, qui a depuis long-temps pressenti l'apparition du dieu et qui lui a juré une haine mortelle, l'attend au bord de la grève et lui lance ses flèches. Les deux premières se perdent dans l'espace; la troisième atteint Waeinemoeinen, et il tombe au milieu des vagues, hors d'état de continuer sa route. Dans sa solitude et son abandon, il crée des îles, il creuse des baies, il façonne des bancs de sable. Un aigle passe dans les airs et laisse tomber quelques veufs sur le sein du dieu, qui les réchauffe sous ses membres, puis les fait rouler dans la mer. Avec ces neufs, Waeinemoeinen crée le soleil, la lune, les étoiles, qu'il invoquait déjà avant sa naissance, et la terre, où il a marché. Ce premier chant est d'un bout à l'autre rempli des plus bizarres contradictions.

Toutes les merveilles opérées par le dieu ne le tirent point de sa douloureuse situation. Il continue à être le jouet des flots et des vents, et ne sait si, après avoir formé la terre, il doit bâtir une maison sur les vagues ou une maison dans l'air. Tandis qu'il délibère sur cet important problème, un coup de vent l'emporte dans le voisinage de la sombre demeure appelée Pohiola. Il pleure et se lamente. Louhi, le maître de la maison de Pohiola, vient à son secours, l'aide à regagner le rivage et lui donne à boire et à manger. Waeinemoeinen pleure encore et regrette son pays natal. Louhi promet de le faire reconduire aux lieux qu'il désire revoir, s'il lui fabrique le sampo avec des plumes de cygne, un fil de laine, un grain de blé, un morceau d'une quenouille. Aucun des commentateurs de la mythologie finlandaise n'a pu expliquer encore ce que c'était que ce sampo, dont il est fréquemment question dans les anciennes poésies. M. Loenrot pense que c'était l'image du dieu suprême Jumala; d'autres en font un ornement mystérieux, ou une nouvelle boîte de Pandore; d'autres enfin, un instrument destiné tout simplement à moudre le blé, c'est-à-dire une de ces meules dont on se sert encore chaque jour dans les habitations d'Islande, de Norvège, de Finlande. Quoi qu'il en soit, Waeinemoeinen ne peut forger le sampo; mais il promet de le faire fabriquer par son frère Ilmarinen, l'habile ouvrier. La confiante hôtesse le laisse partir. Cependant les malheurs de Waeinemoeinen ne sont pas encore finis.. En s'en allant, il aperçoit la charmante fille de Pohiola, et l'invite à s'asseoir près de lui dans un traîneau. La cruelle beauté ne cède pas si promptement; elle veut voir des preuves de force et d'adresse. Elle demande à Waeinemoeinen de fendre un crin de cheval avec un couteau sans pointe, de frapper sur un œuf sans le briser, de construire un bateau sur le roc sans que la hache touche au roc. A la troisième épreuve, la fortune abandonne Waeinemoeinen. La hache lui entre dans le genou. Il essaie de guérir lui-même sa blessure; malheureusement il a oublié les paroles magiques qui seules pourraient apaiser sa douleur, et il s'en va à la recherche d'un sorcier. Celui-ci se rappelle ce que le dieu a oublié. Il connaît son métier de sorcier et l'exerce avec dextérité, en sorte qu'après avoir été soumis à son opération, Waeinemoeinen se retrouve plus fort qu'il ne l'était avant sa blessure. Il arrive enfin sur le sol natal, engage son frère à se rendre à Pohiola pour y fabriquer le sampo. Ilmarinen refuse d'aller dans ce pays sauvage. Waeinemoeinen l'attire dans la forêt, et par un chant magique soulève une tempête qui emporte le forgeron à Pohiola. La prévoyante maîtresse de maison le reçoit avec empressement et lui présente sa fille, parée de ses plus riches vêtemens. Le jour, il travaille à confectionner le sampo; la nuit, il tâche, mais inutilement, de gagner le cœur de la jeune fille.

Sur ces entrefaites arrive un autre amoureux, d'une nature tout opposée à celle des deux précédens, d'un caractère aussi passionné, aussi entreprenant que celui de Waeinemoeinen le sage, de Waeinemoeinen le vieux, comme l'appellent les traditions, est prudent et réservé. Il s'appelle Louminkainen, et l'on ne sait à quelle race il appartient; ce qu'il y a de sûr seulement, c'est que sa mère est une habile sorcière. Elle prévoit les malheurs auxquels il va s'exposer, et veut l'empêcher de quitter le seuil paternel. Tous ses conseils sont autant de paroles perdues : Louminkainen aime la jolie fille de Pohiola et veut la demander en mariage. Pour l'obtenir, il faut qu'il tue d'abord un élan dans les domaines de Hiisi, le redoutable géant qui gouverne les forêts, Cette première épreuve accomplie, il faut qu'il s'empare d'un cheval sauvage; enfin, qu'il atteigne un cygne sur le fleuve de la mort. Ici il est surpris par un sorcier qui lance contre lui un serpent venimeux. Il tombe dans les eaux du fleuve, et le courant l'emporte dans l'empire des morts, où les fils de Tuoni le coupent en morceaux. Sa mère, ne le voyant pas revenir, part avec les ailes de l'alouette pour Pohiola, apprend de quel côté il est allé, et le cherche pendant de longs étés et de longs hivers. « Elle ne sait pas, dit le poème, elle ne sait pas, la pauvre mère, ce qu'il est devenu, à quelle chair la chair de son fils est mêlée, dans quel sang coule son sang, s'il est encore sur les vagues ou sur la terre, sur les rochers ou dans les bois. Elle erre dans les forêts comme un sanglier; elle se glisse dans l'eau comme un serpent aquatique; elle court à travers les pins comme un écureuil, et à travers les rocs comme une hermine; elle le cherche sous le feuillage des arbres, sous les touffes de gazon, sous les racines de la bruyère. Elle interroge le sentier de la montagne, la lune et le soleil : le sentier et la lune ne l'ont pas vu; le soleil lui dit qu'il est au-delà des mers, dans le fleuve des morts. » Elle se fait faire alors un rateau d'acier dont les dents ont cent brasses de longueur, traîne ce rateau dans les vagues profondes, retire l'un après l'autre les membres de son fils; quand tous ces membres sont réunis, elle invoque le secours de Méhilaeinen. L'oiseau magique s'envole au-delà des régions du soleil et de la lune, pénètre dans les propres sources du créateur, trempe ses ailes dans le miel de la vie, puis revient vers la pauvre mère, qui, à l'aide du baume céleste, ressuscite son fils.

Cependant Waeinemoeinen veut retourner à Pohiola et demander la main de la belle jeune fille. Par malheur sa mémoire infidèle a encore perdu le souvenir des trois mots puissans, des trois mots magiques, sans lesquels il n'ose entreprendre ce voyage difficile. Il veut aller les chercher dans l'empire des morts. Les filles de Tuoni tâchent de s'emparer de lui et lui jettent, au moment où elles le croient endormi, un réseau de fer sur le corps, Waeinemoeinen, qui est sur ses gardes, se change en pierre et roule dans le fleuve, puis se change en serpent et passe à travers les mailles du réseau. Il sait qu'il peut encore trouver les mots dont il a besoin dans la bouche du vieux Wipunen; mais la route est longue et difficile : il faut passer sur les pointes d'aiguilles des jeunes filles, sur les glaives acérés des hommes, sur les haches de combat des héros. Il se fait des souliers, des gants de fer, une armure de fer, se met en chemin, et arrive au lieu où repose Wipunen, sur le sol où il repose depuis si long temps qu'une forêt épaisse s'est élevée sur son tombeau. Waeinemoeinen renverse la forêt, plonge un pieu de fer dans la bouche de Wipunen, qui se réveille et cherche vainement à se dégager du rude instrument qui le torture et le déchire. Il se résout enfin à céder au vœu de son terrible adversaire, et chante un chant magique. Le fleuve, en l'entendant, cesse de soupirer et la mer de gémir.

Maître de son secret, Waeinemoeinen se dirige vers Pohiola, et son frère Ilmarinen y arrive en même temps que lui. Louhi, en le voyant venir, engage sa fille à prendre Waeinemoeinen pour époux. La jeune fille préfère Ilmarinen, qui cependant ne peut obtenir sa main sans avoir encore accompli trois travaux herculéens. Le premier est de labourer un champ plein de vipères, le second de dompter des ours et des sangliers, le troisième de prendre sans aucun instrument de pêche un brochet dans le fleuve de la mort. Ces trois épreuves faites, le mariage est décidé, et le pauvre Waeinemoeinen s'en retourne fort triste.

Les noces se préparent à Pohiola. Le grand bœuf dont la tête et la queue touchent aux deux extrémités de la Finlande doit être servi sur la table du banquet; pendant tout un été et tout un hiver, on travaille à brasser la bière qui doit réjouir les convives. L'écureuil et la marte y apportent les ingrédiens qui la font fermenter; l'oiseau magique y répand le miel qu'il est allé chercher au-delà de neuf mers. Louhi invite au festin de noces les pauvres et les vagabonds, les boiteux et les paralytiques; elle veut aussi avoir des chanteurs, et Waeinemoeinen, surmontant sa douleur, arrive avec sa harpe et chante pendant trois jours.

La noce finie, la jeune fille se met à pleurer selon l'usage ancien qui existe encore dans quelques districts de la Finlande et de l'Estonie. Elle pleure et s'écrie : « Je le savais, je le savais, une voix me l'avait dit dans les années fleuries de mon printemps : tu ne resteras pas sous la tutelle de ta mère, dans le sein de ta nourrice. Un époux viendra te chercher, tu auras un pied sur le seuil de ta demeure, un autre dans son traîneau. C'était là le rêve de mon cœur, l'espoir de mes années fleuries. Maintenant mon départ approche, mon espérance se réalise. J'ai un pied sur le seuil de ma demeure, un autre dans le traîneau de mon époux. Cependant je ne m'en vais pas avec joie, je ne quitte pas avec bonheur la maison d'or où j'ai passé nia jeunesse. Je m'éloigne et je pleure. Ma mère bientôt n'entendra plus ma voix, mon père ne verra plus mes larmes. Comment les autres fiancées peuvent-elles être gaies? Comment leur cœur peut-il être dans ce moment joyeux comme une aurore de printemps ? Moi, je suis triste comme le pauvre cheval que l'on vend, comme la pauvre jument que l'on emmène. Ma pensée est sombre comme une nuit d'automne, sombre comme une obscure journée d'hiver! »

La mère alors prend la parole, la console et lui donne dés avis. Tout ce chant est comme une idylle charmante, tantôt pleine d'une grace naïve, tantôt parsemée de détails domestiques qui peignent avec vérité les mœurs actuelles de la Finlande. « Ne t'afflige pas ainsi, lui dit-elle. On ne t'emmène pas dans un marais, on ne te conduit pas dans un ruisseau. Tu as épousé un homme excellent, un guerrier hardi, un habile forgeron, un maître de maison qui mange un pain pur, et qui en donnera à sa femme un plus pur encore, un chasseur qui s'en va sur les bruyères désertes, dans les forêts, et ne laisse pas ses chiens dormir sur la paille. Trois fois déjà, dans ce printemps, il a préparé le bain de vapeurs, trois fois il a peigné sa chevelure, trois fois il s'est essuyé le corps avec des branches sèches.

Ne t'afflige pas ainsi, ne t'épouvante pas de quitter ta mère. Ton époux possède de grands troupeaux, cent bêtes à cornes, mille bêtes aux mamelles pesantes, mille autres couvertes de laine.

« Ne t'afflige pas ainsi, ne t'épouvante pas de quitter ta mère. Ton époux n'a pas une terre où la moisson ne mûrisse, pas un sillon où l'avoine manque, pas un champ où le blé ne pousse. Au bord de chaque ruisseau, ton époux a un grenier plein de grains, des amas de semences en chaque endroit, une forêt où il cache son pain, une autre où le froment jaunit, de l'argent en quantité.

« Ne t'afflige pas ainsi, ne t'épouvante pas de quitter ta mère. Ton époux a des coqs de bruyère qui voltigent autour de lui, des coucous dorés qui couvent dans ses bois, des grives qui viennent gaiement se poser sur les rênes de ses chevaux.

« Et maintenant écoute, ma douce enfant, ma jeune sœur que je vais quitter, mon chant d'amour, ma plante verte, écoute les paroles de la vieille femme. Tu t'en vas dans une autre demeure, tu vas trouver une autre mère. Il n'en est pas dans une maison étrangère, auprès d'une nouvelle mère, comme dans la maison paternelle, sous la garde de la nourrice. Ne sors pas légèrement le soir, au clair de la lune; le mal qui se fait, on le sait dans la maison. Le mal qui se fait, le mari le sait.

« Il faut que tu prennes garde aussi soigneusement aux rudes discours du vieillard, à sa langue acérée et lourde comme une pierre, aux froides paroles du beau-frère, aux propos moqueurs de la belle-sœur. Si le vieillard est fougueux comme un sanglier, et sa femme farouche comme un ours, si le beau-frère est acerbe comme un serpent, et la belle-sœur aiguë comme un clou, il faut que tu leur montres la même patience, la même humilité que si tu te trouvais devant ta propre mère; il faut que tu aies la même soumission envers le vieillard, le même respect envers le beau-frère.

« Écoute, mon enfant, les paroles de la vieille femme. Il ne faut pas qu'une maîtresse de maison reste toujours à la même place; elle doit visiter la grange, entrer dans la chambre où l'enfant pleure, le pauvre petit enfant qui ne peut pas parler, qui ne peut dire s'il a froid ou s'il a faim, jusqu'à ce qu'un ami lui vienne, jusqu'à ce que la voix de sa mère arrive à son oreille. »

La bonne mère se tourne ensuite vers le jeune époux et lui dit : « Fiancé, mon bon frère, il ne faut pas que tu emmènes notre douce colombe pour lui faire souffrir le besoin, pour qu'elle pétrisse du pain d'écorce de bouleau, ou des gâteaux de paille. Il faut que tu l'emmènes dans une riche maison, pour tirer le grain de l'armoire, pour manger des gâteaux avec de la crème, pour goûter un pain de froment, pour pétrir une pâte pure.

Fiancé, mon bon frère, il ne faut pas que tu enseignes à notre douce colombe le chemin qu'elle doit suivre avec le fouet du maître; il ne faut pas qu'elle soupire sous la corde, qu'elle pleure sous la verge, qu'elle gémisse sous la lanière. Songe à ses fraîches années, songe à son cœur de jeune femme. Donne-lui tes leçons avec calme. Instruis-la quand la porte est close, instruis-la par la parole la première année, par le regard la seconde, par le geste léger la troisième. Si alors elle ne répond pas à tes vœux, tire un jonc du marais, une plante sèche des champs, touche-la avec la pointe d'une baguette, châtie-la avec un roseau, avec une branche d'arbre couverte de laine.

« Si alors elle ne t'obéit pas, prends une verge dans la forêt, prends une branche de bouleau, cache-la sous ton habit, afin que les habitans d'une autre maison ne puissent la voir; frotte-lui les épaules, assouplis-lui le dos. Ne la frappe point sur les yeux ni sur les oreilles, de peur qu'en voyant son visage meurtri, le beau-père et le beau-frère ne demandent si elle a été attaquée par le sanglier et maltraitée par les ours. »

La jeune fille cependant pousse de longs soupirs. La douleur est dans son ame, les larmes coulent de ses yeux. Elle éclate en sanglots et dit : « Je n'ai pas été autrefois plus malheureuse que les jeunes filles, ni plus pâle que les poissons du lac. A présent, je suis plus malheureuse que les autres jeunes filles, et plus pâle que les poissons du lac.

« Comment récompenserai-je ma mère du lait dont elle m'a nourrie et mon père de sa bonté? Je te remercie, mon père, de l'asile où tu m'as élevée, des alimens que tu m'as donnés. Je te remercie, ma mère, toi qui m'as bercée dans mon enfance, portée toute faible dans tes bras, et nourrie de ton sein. Je vous remercie, braves gens de la maison, ô mes amis d'enfance, vous avec qui j'ai vécu, avec qui j'ai grandi dans mes belles années.

« Maintenant il faut que je quitte la maison d'or, la chambre de mon père, la demeure hospitalière de ma mère.

« Que le bonheur soit avec toi, ô ma chère chambre, couverte de lambris! il me sera doux de revenir ici, de te revoir encore. Que le bonheur soit avec toi, chambre de mon père, avec ton plancher de bois! Que le repos soit à jamais dans cette habitation, dans les beaux arbres qui l'entourent, dans les champs que je vais quitter, dans les forêts pleines de fruits savoureux, dans le lac avec ses cent îles, dans la vallée où j'ai grandi avec la bruyère! Ilmarinen emporte la jeune fille dans un traîneau et s'écrie « Adieu, maison de Pohiola, adieu, arbustes du ruisseau, arbres puissans de la forêt, broussailles des champs, fruits de la vallée, et vous, plantes du lac, et vous, rameaux de l'aulne, tiges du bouleau, racines du sapin, adieu. »

Et il s'éloigne, tenant d'une main les rênes de son cheval, de l'autre enlaçant le corps de sa jeune femme, un genou hors du traîneau, un genou près d'elle. Le cheval court avec rapidité, le traîneau glisse légèrement sur la neige. Bientôt Ilmarinen distingue la fumée de son toit; il arrive à la porte de sa demeure, et sa mère est là qui accourt avec tendresse au-devant de la jeune mariée, et les festins recommencent, et Waeinemoeinen, reprenant sa harpe, célèbre tour à tour dans ses chants les hôtes de la maison.

A ce chant nuptial succède un épisode dont l'incorrigible Louminkainen, qui a déjà passé par l'empire des morts, est encore le héros. Il a appris les projets de mariage, il veut les faire échouer, il veut retourner à Pohiola et épouser lui-même la jeune fille. En vain sa mère lui représente avec angoisse les douleurs qu'il a déjà souffertes, les dangers auxquels il va de nouveau s'exposer. Le tenace Finlandais ne redoute rien, il veut partir, il part, et, en apprenant que le mariage auquel il voulait s'opposer est conclu, que sa bien-aimée est loin, il entre dans une telle fureur, qu'il appelle au combat tous ceux qui l'entourent, et commence par tuer le maître de la maison. Il revient chez sa mère et lui raconte ce qui s'est passé. La pauvre mère l'engage à se dérober aux poursuites de ses ennemis, elle lui indique un refuge dans une île où il passe d'abord une heureuse vie au milieu d'un grand nombre de jeunes filles. On dirait l'île enchantée de Circé, et il est probable qu'il y a plus d'un souvenir de la tradition grecque dans ces chants du peuple finlandais.

Un beau jour, Louminkainen s'aperçoit que son bateau est brûlé. Il en reconstruit un aussitôt, s'abandonne de nouveau à la mer, et arrive sur la grève de Pohiola. La terrible sorcière du logis amasse alors une quantité de frimas et enchaîne l'embarcation du voyageur aventureux dans les glaces. Lui-même n'échappe qu'avec peine à la rigueur subite du froid, se retire dans une forêt inconnue, et s'écrie dans l'amer repentir de sa témérité « Malheur à moi, pauvre homme! dans quel péril me suis-je jeté! Combien de jours, combien d'années faudra-t-il que j'erre vainement? Maintenant ma mère pleure à son foyer, ma nourrice se désole : - Où est mon fils, dit-elle, mon fils abandonné? Est-il dans les champs de Tuoni, dans les sombres plaines des morts? Pauvre femme que je suis! mon fils à présent n'arrête pas le coq de bruyère dans son essor, les petits oiseaux dans leur vol, l'hermine dans sa course, l'écureuil dans ses sauts.

« Hélas ! non, ma bonne mère, ma tendre nourrice. Tu as élevé sous ton aile une troupe de colombes et de cygnes. Le vent cruel est venu et les a dispersés. L'orage a renversé et brisé la barque des frères. Nous formions autrefois, dans des temps meilleurs, un cercle nombreux; la maison était remplie de mes sœurs, le bateau rempli de mes frères. A présent, il n'en reste pas un.

« Je me souviendrai toujours des douces années d'autrefois. Je grandissais comme une plante vigoureuse dans notre maison. J'étais beau comme la fleur des champs. Beaucoup de gens alors arrêtaient leurs regards sur moi, et remarquaient ma force. Maintenant mon visage est noir comme les baies de la forêt.

« Je connais le sol où je suis né, et la chambre où j'ai été élevé. Je ne connais pas le lieu où la mort me surprendra. »

Après cet épisode, nous revenons aux principaux héros du poème. Ilmarinen a acheté un esclave qui, selon la tradition, a rompu ses langes et déchiré ses lisières trois jours après sa naissance. On lui donne un enfant à garder, l'esclave égorge l'enfant et brûle le berceau. On lui commande de défricher une forêt, il y jette un sort, et rien n'y peut plus croître. La femme d'Ilmarinen l'envoie paître ses troupeaux, et, pour le punir de ses méchancetés, elle lui donne un pain dans lequel elle a mis une grosse pierre. Le maudit esclave, en trouvant cette pierre, massacre son troupeau et revient au logis avec une quantité d'ours et de sangliers qui tuent la femme d'Ilmarinen. L'esclave s'enfuit. Ilmarinen pleure jour et nuit son épouse chérie, et, ne sachant comment la remplacer, il fabrique une femme d'or et d'argent; mais il ne peut lui donner la parole, et, quand il repose auprès d'elle, il la trouve trop froide. Il en fait présent à son frère, qui la prend avec joie dans ses bras et s'écrie, après l'avoir serrée sur son cœur : « O vous, enfans des nouvelles générations, tant que le monde subsistera, tant que la clarté de la lune brillera dans le ciel, ne vous faites pas une fiancée d'or et d'argent. L'or et l'argent jettent un froid glacial sous les plus chauds vêtemens. »

Ilmarinen, désolé de son veuvage, entreprend un voyage à Pohiola pour y trouver une nouvelle fiancée, et en revient sans avoir pu atteindre son but. A son retour, il raconte à Waeinemoeinen de quel bonheur on jouit à Pohiola par le magique effet du sampo. Waeinemoeinen l'engage à se joindre à lui pour s'emparer de ce talisman précieux. Ilmarinen cède à ses instances, se forge une grande épée et une magnifique armure, puis tous deux cherchent des chevaux pour entrer en campagne. Mais Waeinemoeinen entend un bateau qui soupire au bord de la mer et se plaint d'être abandonné dans l'oisiveté, de ne plus sillonner les vagues, de ne plus combattre. Les deux héros, touchés de ces plaintes, le prennent pour faire leur voyage. Waeinemoeinen se place au gouvernail, Ilmarinen rame. Ils rencontrent Louminkainen, qui a une vengeance à exercer à Pohiola et se joint gaiement à eux. Tout à coup leur bateau s’arrête et cesse d'obéir à la rame impatiente. Waeinemoeinen regarde d'où peut venir l'obstacle qui les empêche d'avancer et s'aperçoit que leur barque est entravée par un énorme brochet; il tue le brochet à coups d'épée, prend ses arêtes, les dispose en forme de harpe, y met des cordes faites avec les crins des chevaux fougueux de Hiisi , des poulains de Lempo, l'esprit mystérieux , et la harpe est achevée, la harpe qui, dans ses profondes mélodies, doit avoir tour à tour l'accent terrible et solennel des vagues où le dieu a pris ses branches d'ivoire et le soupir mélancolique du bois où il a façonné ses cordes.

Le dieu Waeinemoeinen offre cette harpe aux vieillards : ceux-ci essaient de la faire vibrer, et leur tête tremble; l'accord ne suit pas l'accord, le son joyeux ne répond pas au son joyeux. Il la présente aux jeunes gens : ils essaient de la faire vibrer, et leurs mains tremblent; l'accord qu'ils en tirent n'est pas un véritable accord, le son joyeux ne répond pas au son joyeux. Le gai Louminkainen la prend, puis l'habile Ilmarinen, et ni l'un ni l'autre ne peut lui donner la vibration harmonieuse. Waeinemoeinen l'envoie à Pohiola, et tous les habitans de la maison, hommes et femmes, jeunes garçons et jeunes filles, l'essaient tour à tour et n'en tirent que des sons discordans. Le vieillard se réveille dans son repos et s'écrie avec impatience : Cessez de faire ainsi gémir cet instrument, ce bruit fatigue mes oreilles, ses rudes vibrations troubleront mon sommeil pendant toute une semaine. Si la harpe du peuple finlandais n'est pas plus harmonieuse, laissez-la dormir en silence, jetez-la au fond des vagues, ou mettez-la entre les mains du maître. La harpe répond : Je ne mérite pas d'être jetée au fond des vagues, je résonnerai doucement sous la main du maître.

« Alors, dit le chantre du Kalewala, alors le sage Waeinemoeinen, ayant purifié ses mains, s'assied sur un roc, au bord de l'onde argentée, pose la harpe sur ses genoux, la tient sous ses doigts, et s'écrie d'une voix élevée : Que celui qui n'a pas encore connu la douceur du chant, le charme de la mélodie, s'approche et écoute. Et il joue sans effort et il chante. Ses doigts courent sur les lianes et sur les cordes de la harpe; le son harmonieux s'élève dans l'air, l’accent joyeux répond à l'accent joyeux. L'accord musical s'échappe des branches d'ivoire de la harpe, de ses cordes de crin.

« Nul animal dans les forêts ne continue sa course, nul oiseau dans l'air ne poursuit son vol. Le sanglier écoute dans son antre marécageux, l'ours sort de sa tanière, de sa tanière entourée de sapins ; il s'avance vers la barrière de la forêt, la barrière tombe, l'ours s'élance sur les arbres et se balance sur les rameau , tandis que Waeinemoeinen répand de tous côtés ses joyeux accords.

« Le vieux maître de la forêt, le sombre Tuopio, avec sa longue barbe, s'approche aussi, prête l'oreille, et tous les animaux dont il est le roi le suivent. Sa femme met ses bas bleus, noue des cordons rouges autour de ses souliers, monte sur les tiges de bouleau, se berce sur les branches de l'arbre, écoute les sous de la harpe et la mélodie de ses cordes.

« Il n'est pas un animal vivant dans les bois, pas un être vivant dans l'air, pas un oiseau léger, qui ne s'avance et baisse la tête pour entendre ces doux accords. L'aigle vient des régions élevées, le vautour descend des nuages, la mouette s'arrête sur les vagues, le cygne sort des lacs; les petits pinsons, les alouettes et les serins accourent se percher sur les épaules du dieu.

« Le soleil avec ses rayons éblouissans, la lune avec sa douce lumière, s'arrêtent dans le ciel et éclairent la harpe.

« Il n'est pas un animal vivant dans les eaux qui n'agite ses nageoires et ne s'approche pour entendre. Les saumons et les truites, les brochets et les phoques accourent à la fois; les petits poissons glissent jusque sur les bords de l'onde et s'arrêtent pour écouter le chant de Waeinemoeinen.

« Atho, le roi des vagues, le vieillard à la barbe verte, s'avance sur son siège de nacre; la belle reine des eaux peignait avec son peigne d'or ses longs cheveux et les essuyait avec une brosse d'argent. Lorsque le chant harmonieux arrive à son oreille, le peigne d'or tombe de ses doigts, la brosse d'argent s'échappe de ses mains; elle s'élance en toute hâte, s'élève au-dessus des flots, et, la poitrine appuyée contre un roc, écoute, ravie, les sons de la harpe, les merveilleuses mélodies du chant.

« Il n'y a pas un héros, pas un homme au cœur endurci, pas une femme qui ne soit émue jusqu'aux larmes. Les jeunes et les vieux pleurent, et ceux qui sont mariés et ceux qui ne le sont pas, et les garçons, et les filles, et les petits enfans: tous pleurent en écoutant les touchantes harmonies de la harpe finlandaise. Waeinemoeinen pleure aussi; la source des larmes s'ouvre doucement dans son cœur, les larmes s'amassent sous sa paupière et coulent plus nombreuses que les fruits de la forêt, que les têtes d'alouettes, que les veufs du coq de bruyère; elles roulent sur ses larges joues, sur sa forte poitrine, sur ses genoux et sur ses pieds; elles pénètrent à travers ses cinq camisoles de laine, ses six ceintures d'or, ses sept robes bleues, ses huit vêtemens de vadmel: elles roulent sur les rives de l'onde, et de ces rives elles tombent dans les flots limpides où elles se changent en perles. »

J'éprouve un grand regret à rendre si mal, dans une prose décolorée, cette page du Kalewala, qui, avec la mélodie, la richesse d'images des vers finlandais est sans contredit, une des plus belles et des plus ravissantes pages qui existent dans la poésie ancienne et moderne.

Le chant achevé, Waeinemoeinen pose la harpe dans le bateau, s'avance vers Pohiola, et déclare qu’il veut avoir la moitié du sampo. -Non, lui dit Louhi, on ne peut partager l’hermine, et l'écureuil est trop petit pour trois. Waeinemoeinen plonge par sa magie, tous les habitans de la maison dans un lourd sommeil. Les héros s'emparent du sampo, l'emportent dans leur barque et s’élancent gaiement sur la mer. Trois jours après, ils approchent de leur but, ils distinguent les portes de leur demeure, Waeinemoeinen entonne un chant joyeux. Une des servantes de Pohiola l'entend, pousse un cri, et tout le monde s’éveille. Louhi court à l'endroit où était caché son sampo, et ne le trouve plus. La sorcière implore le secours du puissant Ukko, elle le prie de jeter sur la route des voyageurs un de ses plus terribles orages, Ukko exauce ses vœux : l'orage soulève les vagues profondes de la mer, et Waeinemoeinen y perd sa harpe chérie. Ilmarinen, épouvanté, gémit de s'être confié aux flots. Son sage frère le console et lui dit : - Les larmes ne nous arrachent pas au danger, les gémissemens ne nous sauvent pas des mauvais jours.

Cependant Louhi, non contente d'avoir, par ses invocations, excité la tempête, s'élance sur son bateau, et poursuit les ravisseurs du sampo. Au moment où elle approche, Waeinemoeinen lui jette un roc qui brise la barque où elle est assise. Pour assouvir sa vengeance, elle se change en aigle, prend ses rameurs sous ses ailes, vole sur le mât de l'embarcation du dieu, saisit avec ses serres le sampo, et s'efforce de l'enlever. En vain Ilmarinen et Louminkainen la frappent avec leur épée elle reste attachée à sa proie et ne la lâche pas. Waeinemoeinen ne se sert point de son glaive, il prend seulement la rame du gouvernail, et en donne à droite et à gauche des coups si rudes, que tous les hommes cachés sous les ailes de Louhi tombent dans la mer, et qu'elle-même a les doigts meurtris et brisés, à l'exception d'un seul, avec lequel elle jette le sampo dans les flots. Une partie du précieux talisman tombe au fond des vagues, une autre est emportée sur le rivage par le courant; Louhi ne garde que le couvercle du trésor. La sorcière, furieuse, répand les maladies mortelles autour de la demeure des héros. Waeinemoeinen chasse ces fléaux dans un autre pays. Elle ensorcèle le soleil et la lune, et cache leur lumière. Ilmarinen et son frère montent à la huitième voûte du ciel, pour savoir d'où viennent ces ténèbres profondes. Là ils font jaillir le feu de la pointe de leurs épées. Une étincelle tombe sur la terre et l'embrase. Le soleil et la lune sont encore invisibles : Ilmarinen fabrique deux astres d'or et d'argent; mais ils ne répandent aucune clarté. Waeinemoeinen se résout alors à tenter encore une fois le voyage de Pohiola. Il s'avance intrépidement dans la maison hostile, et demande où sont les deux globes de lumière qui éclairent le monde. On lui répond qu'ils sont à tout jamais cachés dans les flancs d'une montagne. Waeinemoeinen provoque tous ses ennemis au combat, et leur coupe la tête. Il revient auprès de son frère, tous deux tentent de pénétrer dans l'intérieur de la montagne magique, et leurs efforts sont inutiles. Ilmarinen rentre dans sa forge, et se met à fabriquer des instrumens pour briser le rempart de roc. Louhi, sous la forme d'une alouette, s'approche de lui, et lui demande ce qu'il fait. - Un collier de fer, répond-il, pour la femme de Pohiola. La sorcière, effrayée, court dégager le soleil et la lune de leurs entraves, et revient annoncer cette nouvelle à Ilmarinen, qui la porte en toute hâte à son frère; le dieu de la poésie entonne aussitôt un chant enthousiaste.

Il semble que l'épopée symbolique de la Finlande devrait se terminer là. Le combat du mal et du bien est fini. Les dieux ont vaincu les esprits mauvais, les noires ténèbres se sont entr'ouvertes aux rayons du jour, la clarté des astres célestes a ravivé le monde. Mais Waeinemoeinen a perdu sa harpe dans l'orage, et le peuple finlandais est trop amoureux de la poésie pour se représenter son dieu suprême privé du magique instrument qui attendrit la nature entière.

Un jour, il s'en allait à travers champs, la tête baissée, songeant à la joie qu'il éprouverait à faire vibrer encore les cordes mélodieuses. Il aperçoit un bouleau solitaire qui soupire et pleure, il lui demande d'où vient sa tristesse, et le bouleau lui répond : « Je pleure de me voir ainsi abandonné sans appui dans ce lieu funeste. Souvent, pendant l'été, les bergers impitoyables me torturent et me lacèrent. Ils déchirent mon écorce blanche, ils épuisent ma sève. On frappe sur ma tige, on coupe mes rameaux. Trois fois déjà, dans le cours de cette saison, la hache cruelle est tombée sur ma tête, sur mes flancs et sur ma couronne. Voilà pourquoi je pleure, et toute ma vie je pleurerai d'être abandonné sans soutien, dans ce lieu funeste, à l'approche du rude hiver. Chaque année la douleur me change, ma tête est pleine de sollicitude, et ma face pâlit aux jours froids, à la triste saison. Le vent d'orage me dépouille de mes feuilles, j'aurai froid quand viendra l'hiver, je serai faible et nu, exposé aux frimas et à la tempête. - Console-toi, lui dit le dieu compatissant; je veux changer ta douleur en joie, je veux faire résonner harmonieusement tes rameaux. » Et avec les branches du bouleau, Waeinemoeinen se façonne une nouvelle harpe; puis il erre encore à travers champs, et rencontre une jeune fille qui soupire et murmure une parole d'amour. - Jeune fille, lui dit-il, fais-moi un doux présent; donne-moi six de tes cheveux. Elle penche la tête en riant, lui donne les beaux cheveux longs qu'il demande, et il en fait des cordes pour sa harpe, et il chante avec bonheur. Les coteaux s'inclinent dans la vallée pour l'entendre, les montagnes de cuivre tressaillent, les rocs répètent ses accords, les vieux troncs d'arbres dansent en cercle autour de lui. Son chant résonne dans six villages, dans sept paroisses. L'aigle, en l'écoutant, oublie sa couvée dans son aire, et les larges pins se courbent humblement quand le dieu de la poésie passe sous leurs rameaux.

Mais voilà qu'un nouveau dieu apparaît avec sa pure auréole sur la terre de Waeinemoeinen. Une loi de paix et d'amour efface la loi sévère des géans; un essaim d'anges et de chérubins dissipe par son souffle les derniers nuages de Pohiola, les sombres brumes de l'olympe finlandais. Les poètes du Kalewala ajoutent un hymne pieux à leur épopée païenne : ils chantent avec une grace idyllique, avec une naïve hérésie, avec un singulier mélange de souvenirs anciens et de croyances nouvelles, la naissance du Sauveur, la vierge Marie, la douce Mariette.

Mariette est une jeune et tendre bergère, qui s'en va sous un ciel sans tache, à travers les vertes vallées. Les champs s'émeuvent à son aspect, les arbres l'appellent sous leur ombre, les fleurs la regardent avec amour, les petits fruits de la prairie lui sourient et lui disent : Viens, oh ! viens nous cueillir. Mariette s'arrête près d'une baie savoureuse et lui dit : Monte sur mes pieds. La baie se détache de sa tige et se pose sur les pieds de la bergère. Monte à ma ceinture, dit encore la vierge sainte, monte à mes lèvres. La baie monte, monte, et entre dans la bouche pure de Mariette, qui, par le suc de la petite plante, devient mère. Quand elle se sent près d'enfanter, elle prie la femme d'Hérode de lui préparer un bain, et la méchante femme la renvoie durement. Mariette prie alors son bon cheval de lui faire, avec son souffle, un bain de vapeur, et le cheval obéit, et la douce vierge, réchauffée par l'haleine de l'animal fidèle, donne le jour à un charmant enfant. Sa première pensée est de le porter au prêtre, son premier soin de le faire baptiser. Alors Waeinemoeinen s'avance, Waeinemoeinen qui prévoit l'avenir, et il s'écrie : Il faut conduire cet enfant dans le marais, lui écraser la tête, lui briser les membres avec un marteau. Le petit enfant, âgé de deux semaines, lui dit : Tais-toi, vieux magicien de la Carélie; cette fois, tu as mal interprété la loi; tu as prononcé un sot jugement.

Le prêtre baptise l'enfant, qui devient roi de la forêt, maître des îles riches et fécondes. Le vieux Waeinemoeinen se retire triste et confus, se construit un bateau de fer, navigue au loin, et se cache dans les régions inférieures du ciel; mais, en s'en allant, il laisse à la Finlande sa harpe merveilleuse, sa harpe qui chante l'amour et réjouit le cœur. Ainsi finit l'antique épopée finlandaise, par une pensée d'espoir, par un mythe chrétien, par l'alliance intime de la nature avec la divinité du Christ. La nature est la base première, l'élément principal de cette poésie traditionnelle. C'est la beauté, la force, la grandeur de la nature que le rhapsode populaire de Finlande dépeint par ses personnifications; c'est la lutte et l'action des élémens qu'il représente par des images symboliques. Ce rhapsode, on le voit, n'a point étudié dans les écoles; un savant professeur ne lui a pas enseigné d'une voix doctorale d'où vient le tonnerre et d'où vient l'éclipse de soleil; un habile grammairien ne lui a pas expliqué, dans ses phrases verbeuses, les merveilleux secrets du langage figuré, ni la science de l'abstraction. Enfant naïf de la nature, vivant avec elle et passionné pour elle, il ne s'est point étudié à rendre l'émotion qu'elle produit sur son esprit par des figures de rhétorique. Il regarde seulement et il admire. Il s'en va le soir le long des vallées, au haut des montagnes, il écoute le soupir du vent dans les forêts, le murmure plaintif des vagues qui tombent sur la grève, le bruit orageux de la cascade; il contemple dans sa mélancolie les voiles d'azur de l'horizon lointain, les brumes épaisses de l'hiver, les rayons de pourpre de l'été, et il raconte avec enthousiasme tout ce qu'il a vu et entendu dans les rêves de sa solitude; et lorsqu'un sentiment d'amour, une pensée de joie ou de douleur, un regret ou un espoir, s'éveillent dans son cœur, pour peindre les émotions qui l'agitent, il emploie les couleurs, les images de sa nature aimée. Il associe à ses chants de bonheur ou à ses larmes tous les êtres animés et inanimés qui l'entourent, le sol où il a vécu, les arbres avec lesquels il a grandi, le ruisseau qui baigne ses pieds, les nuages qui flottent sur sa tête, les astres qui l'éclairent. Ce n'est pas une idée panthéistique qui agit ainsi sur lui, non, c'est un sentiment plus naïf encore et plus intime : c'est l'alliance étroite et pour ainsi dire la fusion de son être avec les élémens. Ce ne sont pas les divinités des eaux, des bois, qu'il recherche et vénère; c'est la nature même dans sa grace et sa puissance, dans ses douces harmonies et sa mâle beauté.

Un autre trait non moins caractéristique du Kalewvala est la peinture continuelle du pouvoir de la magie et de ses redoutables effets. Le sampo, que Waeinemoeinen et Ilmarinen ont un si grand désir d'enlever, après l'avoir donné à Pohiola, est un talisman magique qui répand le bonheur et la prospérité dans la demeure qui le possède. C'est par la magie que la mère de Louminkainen ressuscite son fils, c'est par la magie que les deux principaux héros du poème accomplissent leurs plus périlleuses entreprises, que la sorcière Louhi gouverne les élémens, dérobe le soleil et la lune, et épouvante les dieux eux-mêmes. Toute la longue lutte dont cette épopée raconte les vicissitudes n'existe point en réalité entre les fils des géans et les sombres habitans de Pohiola : elle est établie entre deux intelligences mystérieuses dont l'idée abstraite se révèle par des personnifications. L'une cherche la lumière, l'autre se plonge dans les ténèbres; l'une et l'autre s'attaquent, se combattent par des moyens magiques, et c'est la magie qui donne la victoire.

Dans toutes les traditions des peuples du Nord, on retrouve ce caractère superstitieux, cette absorption de la réalité dans la fantaisie, de l'action positive dans le symbole merveilleux. La nature sombre et grandiose au milieu de laquelle ils vivent éveille en eux cette crainte instinctive d'où naît la superstition. Les brumes aériennes, les nuages épais amassés autour d'eux, leur montrent mille formes bizarres, mille figures errantes auxquelles leur imagination donne la vie et la pensée. Les élémens capricieux dont ils sont à tout instant victimes, les phénomènes étranges qui éclatent sans cesse sous leurs yeux, devaient nécessairement, avant les découvertes de la science, produire dans leur esprit une terreur inexplicable et des croyances surnaturelles.

Les anciens Islandais expliquaient les tremblemens de terre par les souffrances de Loki, comme les Grecs par les souffrances des géans. Leur tonnerre était le char d'airain du dieu Thor roulant sur les nuages, et leurs conteurs de sagas parlent constamment des trolles qui prédisent l'avenir, des armures magiques fabriquées par les nains. Odin lui-même, dans le chant de l'Edda qui lui est attribué, dans le Havamal, vante le pouvoir des incantations, le redoutable effet des runes.

Chez eux pourtant la force physique l'emportait sur la force intellectuelle. Aux yeux de cette race de pirates aventureux, le courage était la plus belle des vertus, le butin enlevé à l'ennemi après une longue bataille le plus noble des trophées. Le berserkir s'acquérait un renom illustre par ses duels sanglans; le fier vikinger, appuyé sur son glaive, bravait audacieusement le pouvoir des princes et défiait, comme Ajax, les dieux eux-mêmes.

Les Finlandais, doués d'une humeur moins belliqueuse, dominés de côté et d'autre par des tribus guerrières, et vivant d'une vie retirée et sédentaire, cherchaient dans les rêves de leur esprit, dans les mystérieuses combinaisons des paroles cabalistiques, un soutien pour les heures de danger, une arme offensive et défensive, un élément d'influence et de fortune. « L'ignorant, dit un de leurs vieux proverbes, se donne beaucoup de peines et n'arrive à rien; l'homme habile atteint facilement son but, » et nul homme ne leur semblait plus habile que celui qui pouvait, soit par les leçons de son père, soit par ses propres études, acquérir la science magique. Tandis que les Scandinaves portaient sur toutes les côtes étrangères les signes sanglans de leur bravoure, les Finlandais s'illustraient au loin par leur sorcellerie. L'historien suédois Olaus Magnus la signale en termes bien précis (10); Saxo le grammairien et Snori Sturleson en citent plusieurs exemples dans leurs livres, et Tacite a très vivement caractérisé les effets de cette sorcellerie, quand il dit en parlant des Finlandais : Securi adversus homines, securi adversus deos. Les sorciers de Finlande bravaient la terre et le ciel; ils pouvaient jeter un nuage sur le soleil, soulever les vagues de la mer, faire mugir la tempête, ou enfermer le vent dans un sac de cuir et le vendre aux navigateurs comme une provision de voyage. Ceux qui se dévouaient à cette honnête profession de sorciers jouissaient d'une haute considération et d'un redoutable ascendant; on les recherchait et on les craignait; ils avaient, comme tous les savans des écoles, leurs disciples et leurs sectateurs, et, comme tous les puissans de la terre, leurs courtisans et leurs favoris. Malheur à qui semblait douter de leur expérience, à qui osait affronter leur colère! Ils pouvaient déchaîner contre lui la peste et la famine, lancer dans sa demeure les sangliers farouches et les ours affamés, renverser sa barque sur les vagues, anéantir ses moissons, faire périr ses troupeaux. Que dis-je? ils pouvaient même invoquer contre lui l'empire des morts, car la terre et l'air, les régions visibles et invisibles, l'onde et le feu, obéissaient à leurs enchantemens. Mais si on savait les prendre adroitement, s'insinuer dans leurs bonnes graces, leur donner à propos une pièce d'argent, ces souverains des élémens étaient les meilleures gens du monde. Ils vidaient une cruche de bière comme de simples mortels, et acceptaient sans difficulté un témoignage palpable d'estime ou de reconnaissance. On pouvait alors attendre d'eux toutes sortes d'agréables services. Ils guérissaient les maladies, ils retrouvaient les bestiaux égarés dans les bois, les objets volés, et quelquefois même le voleur. On venait, les consulter de loin dans les divers accidens de la vie, et, quand ils se présentaient à la porte d'une maison, on accourait au-devant d'eux avec respect.

Le christianisme n'effaça point ces grossières erreurs d'un peuple ignorant et crédule. Les sorciers, proscrits par les prêtres, continuèrent long-temps encore à pratiquer leurs maléfices, et la Finlande garda durant plusieurs siècles sa vieille réputation de contrée ensorcelée. Pendant la guerre de trente ans, on disait en Allemagne que Gustave-Adolphe avait parmi ses troupes une compagnie de Lapons qui, par ses enchantemens, assurait le succès de ses armes. Voltaire lui-même, le sceptique, le railleur Voltaire, raconte, dans son Histoire de Charles XII, que les Russes attribuaient généralement à l'effet de la magie, à la puissance du diable, la perte de la bataille de Narva. Dans la dernière guerre de Finlande, en 1808, ces contes de sorcellerie trouvaient encore des oreilles crédules. A la fin de l'hiver, les Russes, essayant de conduire quelques canons sur la côte de Helsingfors pour assiéger la forteresse de Sveaborg, se virent tout à coup arrêtés par un tel amas de terre molle et fangeuse, qu'ils ne purent traîner plus loin leurs munitions. Les soldats attribuèrent cet accident à un vieux mendiant finlandais qu'ils avaient rudoyé le matin, et qui se vengeait de leurs mauvais traitemens en entravant ainsi leur marche. A l'heure qu'il est, je ne suis pas sûr que, dans quelque poerte enfumé de la Savolax ou de la Carélie, un sorcier finlandais n'exerce pas encore ses incantations pour assurer le succès d'une de ses entreprises, ou obtenir une meilleure récolte que ses voisins.

Le Kanteletar, publié par M. Loenrot à peu près dans le même temps que le Kalewala, est un recueil de poésies lyriques composées en grande partie par les gens du peuple et chantées par le peuple. Le dieu des vers a vraiment légué sa harpe mélodieuse, sa kantele, aux Finlandais, et ils la font vibrer avec amour. Si le long des côtes, dans l'enceinte des villes, le sentiment de l'ancienne poésie nationale s'altère ou s'efface par le contact des étrangers et les relations multipliées du commerce; dans l'intérieur du pays, dans les provinces de la Carélie et de la Savolax par exemple, il subsiste encore avec toute son énergie et sa naïveté primitives, et il n'y a peut-être pas là, dit M. Loenrot, une paroisse qui ne compte plusieurs poètes.

Les poètes sont de simples paysans bien plus pauvres encore que le pauvre Burnes. Quelquefois ils improvisent leurs vers et les chantent aussitôt dans une fête, dans une cérémonie; quelquefois ils les composent lentement et avec soin; ils les, modulent dans leur pensée, le matin en allant au travail, le soir en se reposant auprès du foyer. Souvent ils se réunissent plusieurs pour composer une même pièce (11). S'ils savent écrire, ce qui n'arrive pas toujours, ils font une copie de leurs vers et la gardent précieusement; sinon, ils les conservent dans leur mémoire. S'il y a dans une paroisse deux poètes amis, ils se réunissent souvent aux heures de loisir, s'asseoient l'un en face de l'autre, se prennent la main, et, se balançant mutuellement en avant et en arrière, ils improvisent et chantent leurs chansons. L'un d'eux entonne la première strophe, l'autre marque chaque cadence, et, lorsque la strophe est finie, il la répète tout entière. Pendant ce temps, l'improvisateur compose la seconde; puis il abandonne la suite du chant à son ami, et fait à son tour le rôle de répétiteur. S'ils sont plusieurs d'une force à peu près égale, ils s'adressent, comme les bergers de Virgile, ou les minnesingers de la Wartbourg, des défis poétiques. Ils s'assemblent à certains jours sous les lambris enfumés du poerte, leurs amis se rangent de côté et d'autre, comme les témoins d'un duel, et la lutte commence. Chacun des concurrens doit tour à tour et sans hésiter prendre la parole. La facilité avec laquelle il répond à son adversaire est surtout ce que l'on admire, et je dois avouer que les suffrages des auditeurs ne sont pas pour celui qui chante le mieux, mais le plus long temps. Il y a un proverbe finlandais qui dit : La nuit allonge le jour, et le chant allonge la cruche de bière. Quelquefois le combat des poètes dure toute la soirée et se continue encore pendant la nuit. Ils célèbrent ainsi leurs joies et leurs regrets, leurs rêves d'amour et de tristesse; ils racontent leurs travaux et leurs chasses, et, s'il est arrivé quelque évènement dans le pays, ils en font aussitôt le sujet d'un long récit. Ils exercent parmi leurs concitoyens une sorte de magistrature populaire et morale très redoutable et très redoutée. Qu'une jeune fille commette une faute grave, qu'un paysan soit traduit devant la justice pour un vol, ou une rixe, ou un meurtre, à l'instant même voilà le poète du canton qui raconte la fâcheuse histoire dans ses vers, et son récit court dans tout le district, de maison en maison, de bouche en bouche. Il n'est pas une honnête femme qui n'en connaisse les détails, pas un enfant qui ne puisse faite rougir le front du coupable en le lui répétant. C'est la gazette du pays, la chronique du scandale, le pilori du crime.

Quelquefois un sentiment d'inimitié personnelle, un besoin de
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YOYO
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Message par YOYO »


Eh Bien alors Hugues, t'était parti OU ?

Heureux de te retrouver ici.

re-Bienvenue sur le FB

Je me rappelle bien de toi a BRETEIL

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Jay
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Message par Jay »

opelyourmouth! a écrit :jeu. 01 janv., 1970 00:00 Pour répondre à cette légitime question, je dirait sans trop réfléchir et sans avoir rien préparé que il y a, en Finlande, deux littératures et deux poésies : l'une issue du sein du pays [...], un besoin de

comme dirai Perceval : "Ouais c'est pas faux" Image
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